Ikaria

Montagne 
posée sur la mer

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Fertile et verdoyante, outre les pins et les oliviers, l'île présente une grande variété d'arbres de toutes sortes, notamment fruitiers : figues, bien sûr, mais aussi abricots délicieux, pêches, agrumes et autres, sans oublier la vigne dont le vin, déjà réputé dans l'antiquité, est encore aujourd'hui produit de la façon la plus naturelle qui soit.

Avec la même profusion et la même simplicité, loin des modes et de l'agitation industrielle, la pérennité des danses et musiques traditionnelles servie par un merveilleux sens de la fête, joyeux et bon enfant, accrédite en vérité la croyance qui veut que l'île serait le lieu de naissance de Dionysos, dieu du vin, de la fécondité et de la végétation.

Il semblerait aussi que le mythique Icare, quoiqu'on en dise, aurait réussi son atterrissage et donné son nom à l'île : Ikaria.....  nous aimons bien cette version...

  


En savoir plus

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Si on la compare aux nombreuses îles de la mer Egée, Ikaria se singularise par une beauté naturelle d'une diversité et d'une abondance inégalée. Sur Ikaria, le développement de la civilisation se poursuit dans une coexistance paisible avec la magnificence de l'environnement et le respect des traditions agricoles ancestrales.

 Dans l'antiquité, l'Ile était totalement recouverte de forêts et réputée pour la qualité de ses bois de construction largement exportés à l'époque. Le développement de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche, nécessaire pour couvrir les besoins des habitants de l'île, a progressivement réduit l'étendue des forêts. Cependant, aujourd'hui encore, Ikaria est un hâvre de verdure au coeur de la mer Egée qui ravit les amateurs de randonnées et les amoureux de nature. De nombreuses espèces d'arbres, de plantes, de fleurs mais aussi une faune variée, tant à poils qu'à plumes ou à écailles, prospèrent tout au long de l'année dans le riche écosystème d'Ikaria.

Très montagneuse Ikaria présente, en contraste avec ses terres fertiles et verdoyantes, une nature sauvage et rocheuse d'une saisissante beauté. Les vastes montagnes d'Ikaria sont réparties sur l'ensemble de l'ïle et il y a beaucoup de paysages uniques et surprenants à découvrir, plateaux rocheux désertiques, spectaculaires falaises surplombant la mer. La chaîne de Pramnos-Atheras est la plus haute de l'île et culmine à 1048 mètres (3455 p). Bien que raisonnablement accessibles, ces secteurs restent très peu visités et, pour ceux qui osent, une récompense stupéfiante accompagne chaque étape de leur périple ikariote.

Le caractère exceptionnellement montagneux de l'île (les plus hautes montagnes de la mer Egée hormis la Crète, mont Dikti culminant à 2148m, et Samothrace avec le mont Fengari culminant à 1611m) est l'élément clé qui nourrit et renouvelle l'abondance et la qualité de ses nappes phréatiques. Cette richesse en eau douce est un trésor sans prix, plus encore aujourd'hui qu'hier.

Au chapitre de l'eau tant qu'à celui des particularités géologiques, il faut savoir qu'on trouve également sur Ikaria des sources d'eau minérale chaudes. Cette eau limpide chargée de minéraux qui s'écoule directement dans la mer, sort de terre à la température de 80°C et possède des propriétés curatives réputées depuis les temps les plus reculés. A quelques 3 km d'Agios Kirikos par exemple,  l'endroit n'est absolument pas exploité ni aménagé et, bien que facilement accessible, se révèle quelque peu difficile à trouver la première fois mais, c'est une expérience unique et très agréable si toutefois on prend la précaution de ne pas pénétrer dans l'eau trop près du point de rencontre entre l'eau chaude et l'eau de mer ! il est également prudent de ne pas s'y baigner plus de 15 mn et de ne pas reprendre la route immédiatement après un bain.

Littoral

A propos du littoral et donc de baignades, la mer bien sûr est omniprésente puisque nous sommes sur une île. Avec 250 km de littoral, Ikaria offre une gamme incroyable de paysages marins. A la différence de trop d'îles voisines, les rivages d'Ikaria sont restés à l'état primitif. On n'a pas permis ici au développement de déranger une harmonie qui chante la beauté de notre planète depuis des milliers d'années.

Le pourtour de l'île abrite de petits villages côtiers, des cavernes, d'étonnantes formations rocheuses, des criques cachées, de magnifiques plages peu fréquentées et paisibles aux eaux transparentes.

Une architecture caractéristique
 (Par Michel Rossier-Architecte)

Petit aperçu d'histoire 

( ou du prix de la liberté ) :

L'île était habitée depuis bien longtemps déjà (probablement depuis la période néolithique) quand les habitants de Inoi (aujourd'hui Kampos, située à 3-4 km d'Evdilos sur la route d'Armenistis), afin de s'afranchir des tyrans perses, promirent aide et fidélité à la "cohalition athénienne". C'est au cours de cette période (4ème siècle avant JC) que la tour de Drakano (non loin de Therma) fut construite sur les ruines d'une acropole.

Plus tard, l'empire romain fit d'Ikaria une dépendance de Samos où sévirent despotes et tyrans. Les Goths et les pirates, par leurs expéditions répétées réussirent ensuite à rendre l'ïle invivable (3ème et 4ème siècles). Pendant les siècles de suprématie byzantine, les grandes puissances sont très occupées à lutter contre les pressions barbares et sont ainsi forcées, par périodes intermittentes, d'abandonner les îles de la mer Egée à leur triste sort. Ikaria continue d'être un terrain d'exercice pour les pirates, qu'ils soient sarrazins ou vénitiens, qu'ils viennent de Malte ou de Gênes, et "qui dérobent tout, sauf le ciel et la terre".

Après la chute de Constantinople, les Turcs poussent les habitants de Samos et d'Ikaria à se réfugier, sous leur protection, dans la grande île proche de Chios. Beaucoup d'Ikariens, démunis mais confiants en leur habileté séculaire au camouflage, refusent de s'expatrier. Ils prennent, en commun, la décision de se retirer à l'intérieur des terres, dans la montagne, là où personne ne peut les voir ni les entendre. Ils vivent et travaillent cachés, habitent des abris rudimentaires (kamares), tuent tous leurs chiens, deviennent pour ainsi dire invisibles et évitent ainsi le joug othoman tout comme les expéditions de Barbarossa. Les explorateurs passant par là décrivent dorénavant l'île comme inhabitée.

La situation s'améliorera avec le temps, les sultans donnant de temps à autre et au compte goutte quelques garanties d'autonomie et de sécurité aux réfractaires". L'habitat s'améliorera lui aussi, un peu.

En 1821, c'est la révolution. Les forces libératrices grecques rejettent l'occupant turc à la mer et plus de 3000 ikariens participent aux combats. Cependant, en 1830, les grandes puissances (France, Angleterre et Russie) abandonnent cette île, comme bien d'autres, à une administration turque relativement tolérante qui se contente principalement des impôts qu'elle encaisse.

Les habitants de l'île se tournent alors à nouveau vers la mer, recréent leurs villages sur le littoral, construisent de nouvelles maisons et aménagent quelques ports pour abriter leur toute nouvelle, et florissante, flotte marchande. Ces jours propices ne durent pas, la concurrence due à l'introduction de la vapeur comme une nouvelle énergie pour la navigation se révèle fatale et, est à l'origine d'une première vague d'expatriation, vers l'Amérique principalement.

A l'orée du 20ème siècle, la présence turque se fait plus forte dans les îles. La guerre italo-turque de Lybie se déplace dans la région du Dodécanèse. L'année 1912 donne le jour au soulèvement de la région et le nouvel "état de la mer Egée", qui comprend les îles du Dodécanèse, est finalement rattaché à la Grèce.

Architecture

Les villages en Ikarie ne présentent pas l'image habituelle que l'on connaît dans le reste des îles de la mer Egée ou même en Grèce continentale. Ils présentent généralement une organisation spatiale dispersée, ne possédant pas de noyau dense. Cette structure permet la discrétion, la "transparence" même. Elle correspond aussi profondément à l'esprit autarcique et à la manière de voir des Ikariens. Pas de place forte, pas de concentration de murs ou de toits. Les maisons traditionnelles y sont construites éloignées l'une de l'autre, cachées au milieu de leurs jardins et de leurs vergers. Autour, à quelques pas, les oliviers, les amandiers et quelques coins de terre réservés à la vigne et au blé. La couleur de la pierre (matériau omniprésent) unie constructions et rochers, l'ensemble évoque souvent un petit coin de paradis. 

La maison traditionnelle (ou la maison invisible) :

La maison que se construisaient les Ikariens était de pierre, ce qui explique que l'on trouve encore aujourd'hui tellement de batisses témoins de la tradition ancestrale.

L'implantation de la construction suivait quelques principes très simples. D'abord, il fallait que l'habitation puisse échapper aux regards de l'envahisseur potentiel, elle était donc construite loin de la mer et tournée vers l'intérieur de l'île, si possible dans une forêt ou dans le fond d'un vallon, sur une pente généralement, jamais sur une crête ou au sommet d'une colline. Le terrain choisi devait être rocailleux ou contenir des rochers, la pierre étant le matériau principal pour toute construction (maison, étable, poulailler, pressoir, muret, etc...). Il était indispensable qu'il y ait de l'eau à proximité et que le terrain cultivable proche de la maison soit suffisemment grand pour nourrir la famille. Le but était, en quelque sorte, qu'on puisse y vivre de manière relativement autonome.

Les premières maisons construites selon ce principe n'offraient qu'un seul volume et étaient particulièrement basses (1,20 m devant, 1,70 m derrière), les murs étaient en pierre, sans liant ni enduit, le toit à un pan était fait de pierres plates posées sur les poutres en bois (généralement du bois de cyprès). La maison n'avait qu'une porte, devant, qui était aussi la seule ouverture. On ne construisait pas de conduit de cheminée sur le toit (cela se verrait trop), un trou dans le toit faisant l'affaire. Devant, sur toute la longueur de la maison et à une distance d'un mètre environ, on construisait un mur de pierre légèrement plus haut que le mur de la maison, de façon à cacher la lumière qui pourrait se voir porte ouverte ainsi que le mouvement des habitants. Derrière la maison on construisait une cachette (sorte de cave) recouverte de terre, reliée à la maison par un passage secret (ressemblant à une armoire murale) et possédant une issue de secours. C'est là que la famille déposait ses réserves de nourriture et pouvait se réfugier en cas de nécessité. L'intérieur de l'unique pièce disposait d'un foyer rudimentaire fait de 2 pierres plates et d'un moulin à grain. On dormait à même le sol. Les aménagements extérieurs (pressoir, abri pour les bêtes) étaient eux aussi rudimentaires.

Au début du siècle dernier, les conditions de vie des Ikariens s'améliorant peu à peu, le plan traditionnel de la maison évolue (croquis n° 1). La pièce principale voit ses dimensions (hauteur et largeur surtout) augmenter et le toit doit dorénavant être construit à 2 pans avec une poutre maîtresse (généralement un tronc de cyprès) et des chevrons. A l'intérieur de la pièce, la cheminée, un four (généralement situé en face de l'entrée et empiétant sur l'arrière de la maison), une niche murale pour le moulin à grain (2 pierres rondes), un lit et des bancs construits. Cet espace sert de cuisine, de séjour et de chambre à coucher familiale. La nouveauté est aussi que l'on finit presque toujours par construire ce que l'on appelle "la tour", espace de 2 étages avec escalier extérieur en pierre et jouxtant la bâtisse principale. Au rez-de-chaussée, la cave avec ses cruches à vin semi-enterrées, les outils, etc... A l'étage, une chambre dite "de l'invité" qui sert également de chambre à coucher pour les jeunes mariés.

Le mur de protection, devant, existe toujours. Mais il est construit à 2 ou 3 mètres de la maison et devient réellement utilitaire. On y incorpore un banc construit, un foyer pour la cuisine en plein air, une niche pour un évier, une autre pour garder la cruche d'eau au frais, d'autres pour ranger les instruments de cuisine. Une pergola s'appuiera finalement sur ce mur et l'espace se transformera en séjour extérieur pour la bonne saison.

Autour de la maison, on retrouve l'étable, l'abri pour le cochon, le pressoir pour le raisin, l'air de battage pour le blé aussi. Le tout est construit exclusivement en pierre et s'intègre parfaitement dans l'ensemble.

Plus loin mais toujours à portée de voix, les parcelles sont construites en terrasses (le terrain étant presque toujours en pente) avec ces murs de pierre si beaux que quiconque s'est promené en méditerranée connaît, et, protègent ainsi la terre de l'érosion. On y trouve arbres fruitiers (citronniers, orangers, figuiers, etc...), vigne, oliviers, amandiers, noyers et quelques cyprès, pour couper le vent.

Dès les années 20, certaines familles voient leurs revenus augmenter grâce à l'embarquement de leurs enfants sur des navires. Les voyages facilitent aussi les contacts avec des artisans venus d'ailleurs et l'introduction de nouvelles techniques. On se met aussi à construire, toujours en pierre, des maisons de 2 étages sur plan carré et avec toit à 4 pans. Le plancher du premier étage est en bois et la couverture de la toiture faite de tuiles (croquis n° 2).

Ce n'est que depuis les années 60 que l'on assiste à l'introduction de matériaux nouveaux (ciment, aluminium, plastique) et que l'équilibre séculaire entre l'homme (entre ses éléments construits) et la nature est en danger.

Le rapport équilibré entre les espaces bâtis de la demeure traditionnelle et leur environnement (aménagé par l'homme ou non) était, et est encore, la garantie cachée de cette esthétique que beaucoup parmi nous voudrait retrouver. Mais ces constructeurs dont nous admirons les réalisations ne bâtissaient pas pour la beauté ou pour l'esthétique. L'équilibre, "le beau", existaient par la réponse qu'ils parvenaient à donner à leurs réels besoins et par une utilisation logique, économique et durable des matériaux dont ils disposaient.

La maison d'aujourd'hui, qu'il s'agisse de celle d'un jeune agriculteur, de celle d'un instituteur ou de celle d'un vacancier, ne peut et ne doit évidemment pas être une copie de la maison traditionnelle que nous avons décrite plus haut. Les besoins ont changé, les matériaux, le mode de vie aussi. L'architecture évolue toujours et doit être le reflet des civilisations auxquelles elle appartient successivement. Une chose cependant ne change pas : l'obligation que nous constructeurs devrions ressentir d'adapter nos idées et nos conceptions à la réalité (géographique, sociale, culturelle) du lieu où nous intervenons, de respecter l'environnement qui nous accueille et de garantir la durabilité des aménagements et des solutions que nous proposons.

L'île possède encore aujourd'hui plus de 70 villages dispersés sur l'ensemble de son territoire et 3 chef-lieux de moyenne importance, deux d'entre eux se trouvant sur la côte et disposant d'un port.

Michel ROSSIER

architecte dipl. EPF-Z / Athènes